-Les fruitiers sur leurs propres racines :
Je me propose d’ expliquer le système que nous sommes en train de créer ici et qui met en oeuvre des stratégies hors du commun, jardin, maison et business.
Pour mieux expliquer, il convient de parler d’un arboriculteur, spécialiste des pommiers à Brogdale en Angleterre qui abrite la plus grande collection d’arbres fruitiers de ce pays, à peu près 1800 variétés de pommiers différents.
Hugh Ermin avait déjà 30 ans d’expérience des pommiers quand soudainement il s’est posé la question de savoir pourquoi ils étaient tous greffés sur des porte-greffes. Il savait bien que pour garder aux arbres une certaine taille, il faut réduire leur vigueur mais nous allons voir qu’il y a d’autres façons de s’y prendre. Les autres avantages du greffage généralement invoqués lui semblaient n’être que des mythes.
Alors il se mit à créer des pommiers qui avaient leurs propres racines.
Quelques années plus tard, il s’est aperçu que :
- Les variétés elles-mêmes gardaient leurs propres caractéristiques par rapport aux maladies mais ses pommiers étaient en meilleure santé en général.
Le développement des fruits a démontré :
[*-leur goût succulent ; leur meilleure conservation; une très bonne taille pour la variété ; une meilleure qualité du fruit en général; une meilleure pollinisation, si les moyens (abeilles etc) sont là; les pommes contiennent plus de pépins ce qui indique une meilleure fertilité; de fortes indications que l’auto-fertilité est augmentée*]
Le seul ‘problème’ auquel Mr.Ermin s’est trouvé confronté, c’était que les pommiers étaient vigoureux et avait tendance à produire du bois au lieu de pommes.
Avec les pommiers P.R.( propres racines), cette vigueur est contrôlée en utilisant une variété de techniques traditionnelles : limiter l’azote et arrosages (sauf pendant les temps de sécheresse), garder les branches à l’horizontale et tailler pendant l’été (ce qui encourage les bourgeons) et pas pendant l’hiver (ce qui encourage la régénération des branches). Quand les pommiers commencent à donner des fruits, on peut les nourrir et arroser comme d’habitude. Un pommier en bonne production de pommes peut être gardé à une taille légèrement supérieure à un pommier greffé sur MM106, mais avec tous les avantages déjà mentionnés.
Nous possédons donc d’une technique pour nos vergers, mais pour les Permaculturistes ça ne suffit pas.
*Les vergers-potagers*
Phil Corbett de Nottingham en Angleterre, qui a plus de 30 années d’expérience dans l’horticulture et qui est un Designer de Permaculture de très haut niveau a entendu parler du travail de Hugh Ermin Après l’avoir rencontré et entrepris des recherches personnelles, il s’est rendu compte qu’effectivement, un pommier sur ses propres racines est un vrai arbre comme un châtaigner ou un chêne et qu’il peut être taillé exactement comme nous le faisons pour le bois de chauffage avec les arbres sur nos talus.
Pourquoi ? Cela nous permettra d’avoir du bon bois de pommier pour tourner, sculpter ou nous chauffer, et le pommier va repousser et recommencer à donner des pommes .Et, plus important, les arbres qui sont coupés comme cela selon un cycle de 10, 12 d’années ou plus, restent jeunes et ne passent pas par les phases de grande maturité, vieillissement .
Je vais avoir du bois et je n’aurai pas besoin de replanter mon verger tous les 40 ou 50 ans.
Maintenant on a une technique avec une nouvelle stratégie pour un verger, mais ça ne suffit pas.
Avant le 20 ème siècle il n’était pas possible pour les paysans de planter un verger et puis de laisser ce champ tranquille, ils étaient trop pauvres. Alors ils cultivaient des légumes, des arbustes…pendant que les arbres poussaient jusqu’à la production de fruits et jusqu’à ce qu’ils produisent trop d’ombre pour continuer la sous-cultivation.
Alors Phil a ajouté cette idée dans sa stratégie pour créer le concept du verger-potager :
Voilà très brièvement la stratégie : on crée d’abord les lits de jardin et les chemins et puis on plante les arbres environ tous les 5 mètres N-S et E-O. Les lits ont donc une largeur de 4 mètres et les chemins font environ 0,50m . Sur les côtés S,E et O on plante des haies de protection et fixatrices d’azote, l’Aulne gris, l’Eleagnus etc, mais surtout pas des plantes cousines sauvages des arbres du verger. Côté Nord, nous pouvons planter des arbres plus grands, noyers, châtaigners….
*Le potager*
Nous cultivons les lits avec un système sans bêchage ( pour récolter les pommes de terre on va avoir, bien sûr, besoin de creuser, ce n’est pas un problème, les racines des arbres fruitiers P.R. sont résistantes) .Quand on creuse juste à côté on va de temps en temps couper une racine, celle-ci peut être alors plantée et va donner un pommier de la même race !) . Pendant que les arbres grandissent, quand ils commencent à donner de l’ombre, on va planter des plantes qui supportent cet endroit et qui sont aussi comestibles. On va ensuite tailler les arbres sur une ligne N-S et passer les branches dans un broyeur à végétaux pour faire du mulch (ou du bio-gas) : on obtient un lit en plein soleil pour cultiver. Les fruitiers qui sont dans les rangées à côté auront plus de soleil et ils vont donner plus de fruits. L’année suivante, on ne va pas couper la rangée suivante parce que ce sont ces arbres qui ont produit le plus de bourgeons, mais celle d’après. On continue ainsi et 10 ou 12 ans plus tard, on reviendra pour couper à nouveau là où on a commencé le cycle. Le potager qui est dessous a bien profité des feuilles mortes et d’ autres choses, insectes morts, fientes d’ oiseaux qui tombent des arbres etc …pour regagner en fertilité, près pour de nouvelles cultures.
Plus le système devient mature, plus important sera le système des racines des arbres fruitiers et plus vite il repoussera. Les noisetiers seront coupés plus souvent pour être broyés ainsi que les haies. Tous ce qui est végétal peut être mis à composter dans un système Jean Pain ou, comme nous voulons faire ici, mis à fermenter pour donner du Bio-gas permettant d’alimenter la maison en énergie.
Le bois des arbres fruitiers va être tourné pour en faire des objets à vendre. Nous avons aussi des ruches et une production de champignons sur bûches.
Ce système va donc permettre d’obtenir :
Pommes, Poires, Cerises, Noisettes, Céréales, Légumes, Champignons, Miel, Noix, Châtaignes, Bois (pour tourner et pour le poèle), électricité, eau chaude, gaz (pour la cuisinière), compost.
Mais pour une vraie Permaculture même tout cela ne suffira pas : la maison, les dépendances, le système aquaculture/piscine, les entreprises, la communauté, sont tous impliqués et seront interconnectés et intégrés grâce aux liens qui vont créer une vraie écologie humaine, durable et complexe ( mais pas compliquée !). Comme disent les designers " la seule limite est notre imagination !".
Steve Read (Dip-Perm Des) adapté par Mathilde Cosquer et Cloé Le Goïc